Par Anne-Sophie Lapointe, le 11 mai 2017

CRISPR-Cas9 : des nouvelles perspectives de recherches thérapeutiques à accompagner

 

Récemment, la découverte de l’ingénierie du génome comme le CRISPR (Clustere Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) a profondément fait évoluer les approches par thérapies ciblées sur le gène en améliorant la capacité d’améliorer l’ADN dans toutes les espèces y compris chez l’homme. Des groupes de réflexion accompagnent l’essor de cette nouvelle technologie. L’Inserm porté par son Comité d’Éthique (CEI) a par exemple produit une note d’information pour accompagner cette découverte  ainsi qu’une vidéo tutorielle.

La note du CEI répond à trois thématiques :

  • Quelles sont les questions soulevées par la technologie en tant que telle ? De quoi parle t’on ?
  • La rapidité de son développement soulève-t-elle des problèmes particuliers ?
  • Sa simplicité d’utilisation appelle-t-elle un encadrement de sa mise en œuvre en laboratoire ?

L’ingénierie du génome ou genome editing permet d’ajouter, de modifier ou d’enlever une ou quelques bases d’une séquence d’ADN. Cette méthode repose sur un système naturel utilisé par les bactéries pour se protéger des infections virales. Elle permet d’aller directement modifier un gène dans l’ADN à partir de ciseaux moléculaires. Ainsi, les bactéries présentent dans nos cellules vont cibler des petits bouts d’ADN pour aller faire de la chirurgie du génome. La découverte de ce mécanisme est du à deux scientifiques : Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. Elles ont pu démontrer que l’on pouvait programmer l’enzyme Cas-9 pour aller rechercher et découper des bouts d’ADN ciblés. Ce que cette technique apporte également, c’est la capacité de remplacer une séquence ciblée d’ADN défectueuse.

Cette découverte a eu un impact majeur en biologie car elle est peu couteuse et facile d’utilisation. Il existait déjà des techniques de thérapie génique mais beaucoup plus complexes. Cette technique va également permettre de mieux comprendre les mécanismes des gènes.

La modification du génome peut se faire dans des domaines d’application très divers : la production de biocarburants, de céréales résistantes aux maladies, voire l’éradication du paludisme en rendant stériles les moustiques, empêchant ainsi la diffusion du vecteur de transmission de la maladie. Cette technique de CRISPR-Cas 9 s’applique naturellement à beaucoup de maladies génétiques où un seul gène est touché (maladie monogénique) : la Mucoviscidose, la Myopathie de Duchenne, la Maladie de Huntington, la Drépanocytose, l’Hémophilie A…

Ainsi, cette technique semble avoir de nombreux avantages mais il faut rester attentif à accompagner d’un point de vue éthique sa rapide diffusion. Il existe trois domaines où l’attention doit se porter :

  • l’application des technologies aux hommes : contrairement au traitement des seules cellules somatiques, le traitement des cellules germinales implique un questionnement éthique. En effet, le bénéfice d’avoir corrigé une maladie se transmet alors à la génération suivante. D’un côté, c’est une bonne chose mais de l’autre, il y a intervention de l’homme pour modifier le génome humain. Le risque d’eugénisme sera à regarder de façon très étroite ;
  • l’application à l’animal et en particulier aux espèces « nuisibles » : ce point soulève la question d’un éventuel transfert latéral de gènes et l’émergence de dommages irréversibles à la biodiversité ;
  • les risques de conséquences sur l’environnement : la dispersion de gènes modifiés ne doit pas être négligée.

Cette simplicité et cette rapidité d’utilisation demande un cadre pour la recherche. Les points suivants font suite aux recommandations du Comité d’Éthique de l’Inserm :

La balance bénéfice-risque de cette technique doit être évaluée dans le cadre de la recherche avant de possibles applications en clinique et dans le soin.

Il faudra fixer dans les années à venir ce qui est acceptable en terme de bioéthique et de conséquences pour la société. Les effets sur l’ADN du guidage des gènes doivent être clairement étudiés afin d’éviter une mauvaise orientation de cibles entrainant de lourdes conséquences notamment par l’apparition de cancers. Des règles de confinement strictes devront respecter celles déjà en vigueur pour d’autres modifications génétiques.

Les réflexions éthiques restent à être diffusées au sein de la société civile à l’échelle internationale. Il est indispensable d’accompagner l’ingénierie du génome en parallèle de son développement. Tous les acteurs devront être formés et les associations devenir des partenaires privilégiées car elles sont vectrices d’information. Certaines d’entre elles ont déjà entamé un travail de recensement de l’intérêt des patients pour cette nouvelle technique et d’autres comme Eurordis, la fédération européenne des maladies rares, diffusent des modules de formation sous forme de webinars.

Cette enzyme CRISPR-Cas9 suscite beaucoup d’espoir en laissant encore planer de nombreuses incertitudes. Une éthique de la bienfaisance sera alors de valider dans des protocoles de recherche rigoureux son action avant de réfléchir à l’implémenter chez les êtres vivants et dans la nature. Un travail catalysé par une mise en réseau nécessaire entre les laboratoires de recherche et des équipes pluridisciplinaires impliquant les Sciences Humaines et Sociales et la bioéthique médicale. Néanmoins, cette découverte reste historique car elle ouvre des perspectives thérapeutiques pour de nombreux malades atteints de maladies rares et qui ont un accès très limité à des thérapeutiques (entre 1 à 5 %); or, dans les maladies rares, le pronostic vital est en jeu dans 85% des cas. Il y a donc urgence pour de nombreux malades !

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